Ce weeekend a eu lieu le Chandler Jazz festival. Trois jours de jazz dans le quartier historique de la ville, les restaurants, les bars et les galeries hébergeaient des jazz bands de l'après-midi au soir, et dimanche s'est achevé avec un concours pour les groupes de jeunes musiciens. La ville avait installé une scène sur la pelouse de la place centrale, où se sont produits des groupes plus importants (Dirty Dozen, Be Bop Revolution). Les gens avisés avaient apporté leur chaise pliante, les autres s'asseyaient sur l'herbe ou restaient debout.
Le samedi soir nous sommes allés voir la figure légendaire de Dr John, qu'à ma grande honte je ne connaissais pas, dont la musique mêle le r&b, le rock psychédélique et la sombre influence du vaudou, comme l'indiquent le bâton décoré de gris gris sur lequel il s'appuie en arrivant en scène, ou le crâne trônant sur le piano. Originaire de Louisiane, qu'il a du quitter pour des raisons "techniques" - on pense à la drogue et à la prostitution - Dr John traîne une réputation sulfureuse et exerce une fascination évidente, y compris sur l'Amérique blanche et bien pensante. Comme je n'ai quasiment pas compris un mot de ce qui se disait (kèskidi? demandai-je constamment à Randy au milieu des décibels), je ne peux que me faire l'écho de chansons évoquant les bayous où de vieilles femmes concoctent des potions qui suscitent des images de rivières de sang et d'ossements. S'il y a une certitude qu'on peut retirer de ces concerts, c'est que la musique d'origine noire avec toutes ses ramifications est bien la musique de l'Amérique, et qu'elle est extrêmement vivante.
Tous les musiciens que nous avons entendus sollicitent la participation de l'auditoire, qui réagit au quart de tour. On est quasiment obligé de se lever à certains moments, tout le monde bouge et chante sans aucun complexe.
Une centaine de personnes dansaient devant la scène, et le concert s'est clos avec une dizaine de femmes invitées sur scène. L'une d'entre elles portait des couettes et un costume de superman (rouge, jaune et bleu), on l'aperçoit sur la gauche avec sa cape. Pourquoi superman???
Un détail m'a beaucoup intriguée: sur une des chansons à connotation religieuse (Glory Halleluia), des gens levaient les bras, mains ouvertes et vibrantes, geste destiné à recevoir le Saint Esprit dans les églises pentecôtistes. Le Saint Esprit est toujours très présent dans les églises pentecôtistes. Dans un contexte ouvertement vaudou, cela pourrait friser le blasphème. Et pourtant je n'en avais pas l'impression. Plutôt une expérience de type religieux exclusivement liée à la musique. Ce qui rejoindrait l'image qu'on a d'une société profondément religieuse, mais de façon beaucoup plus diffuse que ce qu'on sait des églises officielles.